Entre errance et erreur, il n’y a qu’un pas…
Les deux mots sont d’ailleurs issus de la même racine : « error », en latin, qui signifie action d’errer, détour, puis incertitude, méprise…
Entre errer et erreur, il n’y a qu’une lettre…
« Erreur » a conservé les sens premiers latins en français, surtout le fait de prendre pour vrai ce qui est faux, de s’écarter de la norme, de se tromper. L’erreur provient aussi de la maladresse. On peut induire quelqu’un en erreur, on peut commettre une erreur, réparer une erreur, tomber dans l’erreur, reconnaitre son erreur. On peut faire quelque chose par erreur.
Laisser un patient errer des années en attente de diagnostic est… une erreur… voire une horreur… Cette errance provoque énormément de souffrance par le sentiment d’abandon qu’elle suscite. On parlera alors de déshérence, qui n’appartient pourtant pas à la même famille étymologique.
Toute errance médicale est à dénoncer… même si la médecine actuelle ne trouve pas toujours d’explication ou de traitement adéquat. Le pire est le manque de considération qui engendre une réelle souffrance des personnes en quête d’identité diagnostique.
Cette incompréhension de soi rend difficile la compréhension d’autrui. Être entendu, être cru, c’est un parcours du combattant auquel beaucoup finissent par renoncer, en se repliant sur eux-mêmes.
Mettre un mot sur un état devrait pouvoir soulager. Avec la fibromyalgie, il n’en est rien, car cela enlève tout espoir. L’espoir d’être soigné… puisqu’il n’existe pas de remède et qu’il faut donc en faire le deuil. L’espoir d’être reconnu… puisqu’il n’existe pas de réelle reconnaissance de cette maladie, malgré celle de l’OMS. Une grande partie des médecins continuent de penser qu’elle est une maladie psychosomatique, malgré les avancées des recherches scientifiques. Se voir déclarer dépressif quand on se considère comme combattif face à la douleur et la fatigue endurées, cela a de quoi miner, au final, en effet…
Maladie de « bonne femme », la fibromyalgie dessert autant les hommes que les femmes. Les femmes, parce que, depuis la nuit des temps, on les stigmatise en les traitant de faibles, d’hystériques… Les maladies « typiquement féminines » commencent seulement à recevoir un peu plus d’attention d’un monde médical longtemps sous l’autorité masculine. Serait-ce parce que ce dernier se féminiserait indéniablement ? Les hommes, parce qu’être victime d’une maladie largement attribuée à l’autre sexe est visiblement dévalorisant, voire honteux. Et que donc, avouer souffrir de fibromyalgie est aussi compliqué pour le sexe fort que d’avouer être victime de violences conjugales. Les estimations officielles sont, certainement, en deçà de la réalité.
Quand on est enfin diagnostiqué fibromyalgique, on n’a souvent que la parole du médecin expert pour confirmer ce que l’on décrit. Aucun examen ne soutient cette affirmation. Aux yeux de l’entourage, cela prend des allures de fiction, d’approximation peu crédible… comme pourrait le faire le certificat de complaisance si facilement prescrit par certains médecins aujourd’hui.
La fluctuation de la maladie, son imprévisibilité renforcent encore cette impression, quand, d’un jour à l’autre, vos capacités vous rendent opérationnel à effectuer ce que la veille encore vous n’auriez pu même imaginer. Comment, pour autrui, croire à ce « tour de passe-passe » ?
Les moments de répit qui devraient être des moments de ressourcements peuvent alors prendre des allures de remises en question : suis-je finalement vraiment malade ? Le médecin ne s’est-il pas trompé ? Ne devrais-je pas reconsulter ?
D’espoir en désespoir, d’illusion en désillusion, le vagabondage médical ne profite que rarement au malade. Il le déleste de plusieurs euros, de plusieurs heures, de dignité parfois aussi lorsque le soignant s’irrite de cette insistance à comprendre, à savoir…
Perdu dans la forêt de ses questionnements, le patient se sent seul même accompagné. Il n’est pas rare alors qu’il essaie tout et, malheureusement, n’importe quoi. La détresse peut parfois prendre des chemins tortueux et risqués, comme la boisson, pour oublier. Ou pire encore…
Mesdames et messieurs les médecins, quand vous recevez un patient, même si vous êtes impuissants face au mystère que peut représenter l’état de la personne que vous avez devant vous, face aux limites actuelles de la sciences à guérir, vous avez encore un pouvoir : le pouvoir d’accueillir la souffrance de l’autre, le pouvoir de l’écouter, le pouvoir de le soutenir. Accompagnez-nous !
Aux parents, aux conjoints, aux enfants, aux amis, aux collègues, je voudrais faire une demande : face à notre souffrance, s’il vous plaît, n’affichez pas le silence, voire pire, le mépris : quel bénéfice aurions-nous à affirmer notre douleur, nos limites, nos faiblesses quand nous avons fait auparavant la démonstration de notre performance, notre courage, notre volonté ? Il nous faut encore beaucoup de détermination pour tenir debout aujourd’hui. Ne la minez pas en nous stigmatisant, en émettant des doutes sur ce que nous affirmons, en nous culpabilisant pour une faute que nous n’avons pas commise : être atteint de fibromyalgie n’est pas un cadeau ! Et si vous vous sentez, vous aussi, démunis par rapport à notre état, dites-le tout simplement. Il n’y a aucune honte à cela. Nous le sommes aussi…
Ensemble, on est plus forts !