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LES JEUNES ET LES MALADIES CHRONIQUES

  • Photo du rédacteur: Violaine Desmette
    Violaine Desmette
  • il y a 7 jours
  • 6 min de lecture

Compte-rendu de la journée « Jeunes et malades chroniques » – 4 juin 2025


Thème : Croiser les regards pour renforcer la participation sociale des jeunes atteints de maladies chroniques, améliorer leur accès aux droits et répondre à leur besoin crucial d’information.


Lieu : Centre Pacheco (SPF Sécurité sociale – Direction générale des personnes handicapées), avec la collaboration de l’INAMI.


Cette journée a réuni jeunes patients, associations, chercheurs et décideurs politiques autour d’un enjeu central : comprendre l’impact des maladies chroniques sur la vie quotidienne, les études, le travail et l’accès aux droits sociaux. L’accent a aussi été mis sur le manque d’information, qui freine considérablement l’autonomie des jeunes malades et rend leurs démarches encore plus difficiles.


Un état des lieux préoccupant


Selon une étude commandée par le SPF Sécurité sociale, 16 % des jeunes de 18 à 35 ans vivent avec une maladie chronique. Parmi les dix pathologies les plus fréquentes figure la fibromyalgie, avec une représentation de 9 %. Pour près de la moitié (46 %), le caractère imprévisible de la maladie constitue un obstacle majeur dans leur quotidien.


1. Vie quotidienne : fatigue extrême, isolement et invisibilité


74 % des jeunes ressentent les effets de leur maladie au quotidien. Pour 76 %, c’est la fatigue qui pèse le plus, suivie des limitations physiques (59 %) et de la réduction des activités de loisirs (51 %). Il ne s’agit pas d’une fatigue « ordinaire » : les participants l’ont décrite comme une fatigue qui transforme chaque geste en épreuve, chaque tâche en marathon.


Témoignage de Lucie, atteinte d’encéphalomyélite myalgique depuis dix ans : elle souligne la mauvaise prise en charge de sa pathologie, l’incompréhension de son entourage — y compris médical — liée à l’invisibilité de sa maladie. Pour prouver son état, elle se filme. Elle évoque aussi le manque d’accessibilité, les difficultés cognitives qui compliquent l’accès à l’information, l’épuisement à devoir sans cesse mettre en place des stratégies de contournement, et sa dépendance malgré une activité professionnelle très réduite (1 à 4h/semaine dans un CPAS). L’absence de reconnaissance officielle de sa maladie entraîne des frais de santé élevés. Elle décrit une lutte constante pour obtenir ses droits, comme une carte de stationnement, générant du stress… qui lui-même aggrave ses symptômes.


Carole Feulien (LUSS – projet maladies chroniques) a mis en lumière les impacts invisibles : peur de l’avenir, charge émotionnelle, responsabilisation précoce, perturbation identitaire, sentiment d’inutilité, difficultés intimes et affectives. Les jeunes ne savent pas toujours s’ils doivent parler de leur maladie, à qui, et à quel moment. Elle a souligné qu’une maladie ne doit pas définir une personne. Une attention particulière doit être portée aux maladies invisibles. Elle a plaidé pour un partenariat plus équilibré entre soignants et soignés, une meilleure formation des professionnels de santé, un système plus lisible et un soutien renforcé aux associations, aujourd’hui sous-financées.


Recommandations :

  • Centralisation et simplification de l’information

  • Accompagnement proactif

  • Renforcement du rôle des caisses d’assurance maladie

  • Coopération entre institutions

  • Soutien structurel aux associations de patients


2. Besoin d’information : un labyrinthe administratif


81 % des jeunes manquent d’informations essentielles sur leurs droits sociaux. Ils ignorent souvent quelles aides existent et où les demander. Les démarches sont lourdes, répétitives, parfois incompréhensibles, et les refus rarement expliqués.


Témoignage de Geertje, atteinte d’un cancer : elle parle de la "chance" d’avoir une maladie connue, visible, entourée de groupes de soutien… mais aussi des limites de l’information disponible, parfois peu fiable. Malgré son haut niveau d’études, elle se dit dépassée par la complexité des documents administratifs. Elle évoque l’efficacité du système allemand, où la carte d’assurance suffit à enclencher les remboursements. Elle recommande de venir accompagné.e à ses rendez-vous pour mieux retenir l’information.


Recommandations :

  • Centralisation et simplification de l’information

  • Suivi par un.e référent.e formé.e

  • Automatisation des procédures

  • Transparence sur les refus

  • Allègement des démarches répétitives


3. Études : un parcours du combattant


Plus de la moitié des jeunes interrompent leurs études à cause de leur maladie. 91 % affirment qu’elle influence leur parcours, principalement à cause de la fatigue, de troubles de concentration et de cours manqués. Les aménagements raisonnables, quand ils existent, se limitent souvent à un temps d’examen supplémentaire.


Témoignage d’Arnout, jeune épileptique : il raconte ses deux bacheliers, les difficultés à obtenir son statut d’étudiant à besoins spécifiques, le manque d’information dans son école, et la fatigue liée aux trajets quotidiens, puisqu’il ne pouvait pas loger sur place. Lors de son second bachelier, le processus a été plus fluide, et il s’est senti davantage compris. Mais la transition vers l’emploi a été émotionnellement lourde, marquée par l’incompréhension et la peur de la discrimination.


Wim Geluykens, chercheur et juriste, rappelle que les aménagements ne sont pas des faveurs, mais des outils d’égalité. Trop souvent, les étudiants obtiennent un statut sans que les aménagements suivent, car ils dépendent des enseignants. Les délais sont longs, les réponses tardives, les listes d’aides limitées, et les écoles inégalement préparées.


Recommandations :

  • Sensibilisation accrue dans l’enseignement supérieur

  • Élargissement et harmonisation des aménagements

  • Formation des personnels pédagogiques

  • Assurer le maintien des droits (allocations familiales, bourses, etc.) même en cas de parcours d’études allongé ou irrégulier


4. Travail : entre espoirs, obstacles et discriminations


37 % des jeunes malades chroniques travaillent à temps plein, mais beaucoup doivent interrompre leur activité au moins une fois par an. 91 % déplorent un manque de compréhension, 73 % souffrent du stress et de la charge de travail, 48 % trouvent les aménagements insuffisants. Et 38 % ont été victimes de discrimination.

Par peur d’être rejetés ou mal jugés, beaucoup préfèrent taire leur maladie.


Comme l’a expliqué l’un des participants, un temps partiel peut être une solution idéale, à condition qu’il soit bien réparti : devoir se déplacer chaque jour pour un travail réduit alourdit inutilement la charge. Cela souligne l’importance d’une réelle flexibilité organisationnelle, encore trop rare.


Témoignage de Manon : obtenir un mi-temps est un parcours du combattant. Les retards de paiement, les erreurs administratives, les trop-perçus créent un stress chronique. Elle insiste sur la nécessité d’un.e référent.e fixe à la mutuelle et d’un meilleur dialogue entre médecin traitant, médecin-conseil et patient via une plateforme comme TRIO (TRIO : La plateforme pour communiquer facilement avec vos confrères lorsque vous accompagnez une personne en incapacité de travail | INAMI).


Témoignage de Lennert, porteur de TDA, qui a bénéficié d’un job crafting (poste sur mesure) dans une entreprise de menuiserie inclusive. Grâce à une culture du dialogue, il peut exprimer ses besoins et travailler dans des conditions adaptées.


Yasmine Boutajangout, coordinatrice retour au travail (Mutuelle chrétienne), résume bien les tensions : l’imprévisibilité de la maladie se heurte au manque de souplesse des employeurs. Les jeunes malades ont peu de perspectives d’évolution et craignent les conséquences de leur transparence.


Recommandations :

  • Création d’opportunités d’emploi sur mesure

  • Reprise progressive accompagnée

  • Lieux de travail inclusifs, employeurs formés

  • Protection contre la discrimination à l’embauche et dans l’emploi

  • Coaching personnalisé accessible à tous

 

Tables rondes et conclusion


Deux tables rondes ont clôturé la journée. Parmi les intervenants, Shauni Boeydens, coach emploi et administratrice de la Ligue fibromyalgique néerlandophone, a évoqué la théorie des cuillères pour illustrer les limites d’énergie des personnes atteintes de maladies chroniques. Elle a souligné le manque de compréhension, y compris dans l’entourage proche, et l’importance d’une expertise patient reconnue.


La seconde table ronde a porté sur la centralisation de l’information grâce à l’IA, mais aussi sur le besoin d’un "chef d’orchestre", comme le SPF Sécurité sociale, pour coordonner les efforts. Il a été question d’harmoniser les aides, d’assurer un budget stable, et de créer des emplois adaptés, y compris pour les jeunes sans expérience professionnelle.


Saskia Decuman (INAMI) a conclu avec force :


« Le travail ne doit pas être une fin en soi. C’est le bien-être qui doit être au centre. Le travail peut y contribuer, mais il ne peut en être la seule finalité. »

 

Cette journée a mis en lumière des réalités encore trop peu visibles. La fibromyalgie, comme d’autres maladies chroniques, touche profondément la vie des jeunes et appelle des réponses concrètes. MY FIBRO continuera à porter ces voix, pour que les obstacles d’aujourd’hui deviennent les leviers du changement de demain.


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