Les malades de longue durée
- Violaine Desmette
- 25 oct.
- 4 min de lecture

En Belgique, les malades de longue durée vivent une période d’incertitude.
Le gouvernement a lancé une troisième vague de réformes pour renforcer la politique de retour au travail (ReAT). Derrière les intentions affichées — responsabiliser, accompagner, favoriser la réinsertion — se cachent des mesures concrètes qui risquent de fragiliser encore davantage les personnes atteintes de maladies chroniques comme la fibromyalgie.
Ce que prévoit concrètement la réforme
Plusieurs décisions récemment prises ou en préparation modifient profondément la situation des personnes en incapacité de travail :
Cotisation de solidarité : les employeurs (hors PME) devront verser jusqu’à 30 % des allocations d’incapacité maladie pour les salariés de 18 à 54 ans, pendant les 2ᵉ et 3ᵉ mois d’absence (à partir du 31ᵉ jour). Entrée en vigueur prévue au 1ᵉʳ janvier 2026.
Rechute et salaire garanti : le droit à un nouveau salaire garanti ne sera accordé que si la personne a retravaillé au moins huit semaines consécutives à temps plein. Les rechutes durant une reprise partielle ne donneront plus droit à ce salaire.
Réévaluations médicales plus fréquentes : les patients en invalidité depuis plus de 12 mois devront passer des contrôles réguliers afin de confirmer la poursuite de leurs allocations.
Sanctions possibles pour “non-coopération” : en cas d’absence répétée aux convocations ou de refus de participer à un trajet de réintégration, une réduction d’allocation pourra être appliquée.
Fin des incapacités “à vie” : seules certaines pathologies très graves pourront encore bénéficier d’une reconnaissance permanente. Les autres, dont la fibromyalgie, feront désormais l’objet de réévaluations périodiques (1, 2 ou 5 ans).
Ces mesures, regroupées dans la “3ᵉ vague ReAT” annoncée fin septembre 2025, doivent entrer en vigueur au 1ᵉʳ janvier 2026.Si leur objectif officiel est de “ramener ceux qui le peuvent vers l’emploi”, leur mise en œuvre suscite de vives inquiétudes parmi les malades chroniques.
Le travail, source d’équilibre… quand on en est capable
Chez MY FIBRO, nous le reconnaissons : le travail, quand il est possible, apporte énormément. Il procure un revenu, un contact social, un sentiment d’utilité, une estime de soi qui aide à mieux vivre la maladie. Beaucoup de nos membres souhaitent reprendre une activité adaptée, à leur rythme, quand leur santé le permet.
Mais le retour au travail, même partiel ou aménagé, n’est pas toujours un chemin simple. Pour une personne atteinte de fibromyalgie — maladie invisible, fluctuante, épuisante —, la reprise peut vite devenir un parcours semé d’incompréhensions :
aménagements perçus comme des privilèges ;
remarques du type “tu sembles en forme aujourd’hui” ;
pression implicite pour “faire comme les autres”.
Cette différence de traitement peut mener à une discrimination insidieuse, voire à du harcèlement. De nombreux témoignages de membres de MY FIBRO l’attestent : certains ont été mis à l’écart, d’autres culpabilisés, parfois jusqu’à devoir quitter à nouveau leur emploi.
Reprendre le travail ne signifie pas “être guéri”. Et vouloir travailler ne veut pas dire “être capable de tout faire”. Quand la maladie impose des limites, il faut de la compréhension, pas de la suspicion.
Pourquoi ces réformes posent problème pour les personnes atteintes de fibromyalgie
La fibromyalgie est une maladie doublement invisible : invisible dans le corps, car les douleurs, la fatigue et les troubles cognitifs ne se mesurent pas ; invisible dans le regard institutionnel, car elle reste mal reconnue.
Dans un système où tout repose sur la preuve objective, les malades fibromyalgiques se retrouvent en difficulté permanente :
comment “justifier” une fatigue chronique ?
comment prouver une douleur qui ne se voit pas ?
comment se défendre face à une réévaluation administrative qui ne comprend pas la variabilité de la maladie ?
Les nouvelles obligations de contrôle et de participation aux trajets de réintégration risquent d’accentuer ce fossé. Elles font peser sur les patients une charge supplémentaire : celle de devoir prouver qu’ils ne trichent pas, alors qu’ils luttent déjà chaque jour contre la douleur, la confusion et l’épuisement.
Pour certains, ces politiques risquent d’entraîner une culpabilisation accrue (“je ne fais pas assez pour retravailler”) et une insécurité sociale (perte ou réduction d’allocation).
Ce que MY FIBRO défend
MY FIBRO est une association de patients, créée par et pour les personnes atteintes de fibromyalgie. Nous n’avons pas les moyens d’une grande structure, mais nous avons une mission claire : informer, sensibiliser et témoigner.
Nous demandons :
la reconnaissance pleine et entière de la fibromyalgie comme maladie chronique invalidante ;
des évaluations médicales adaptées à la réalité fluctuante de la maladie ;
des plans de retour au travail vraiment individualisés, concertés entre le patient, le médecin traitant, le conseiller en prévention et l’employeur ;
une formation et sensibilisation accrues des employeurs et du personnel RH aux maladies invisibles ;
la garantie qu’aucune sanction ne vienne punir une personne simplement parce qu’elle n’a pas la force d’un retour “rapide”.
À notre échelle, nous poursuivons plusieurs actions :
Informer nos membres sur les changements législatifs et leurs conséquences possibles ;
Donner la parole aux malades : nous avons mené une enquête ayant recueilli 287 réponses. Les résultats, particulièrement interpellants, seront présentés au moment opportun ;
Sensibiliser le grand public à la réalité quotidienne des personnes atteintes de fibromyalgie ;
Créer du lien entre patients, pour rompre l’isolement et partager des ressources.
Parce que l’invisible mérite d’être vu
Aucune personne atteinte de fibromyalgie ne devrait avoir à se justifier d’exister. Aucune douleur invisible ne devrait être niée. Nous croyons à une société où les malades chroniques sont écoutés, compris et respectés — pas suspectés, ni punis. La réforme des malades de longue durée doit être l’occasion d’un vrai dialogue, pas d’une mise à l’écart.
MY FIBRO continuera à porter cette voix : celle de la dignité, du courage et de la solidarité.
Texte rédigé à partir de



