La fibromyalgie est une pathologie complexe principalement caractérisée par des douleurs chroniques généralisées. Cependant, au-delà de ces douleurs, les patients souffrent souvent de divers troubles cognitifs qui peuvent être aussi handicapants, voire plus, que la douleur elle-même. Parmi ces troubles, la mémoire de travail est particulièrement affectée.
Qu'est-ce que la mémoire de travail ?
La mémoire de travail, également connue sous le nom de mémoire à court terme, est un système cognitif essentiel qui permet de stocker et de manipuler temporairement des informations afin de réaliser une tâche. Ce système est sollicité dans de nombreuses activités quotidiennes comme comprendre un texte, suivre une conversation, ou effectuer des calculs mentaux. Selon le modèle de Baddeley et Hitch, la mémoire de travail se compose de plusieurs sous-systèmes : la boucle phonologique pour le traitement des informations verbales, le calepin visuo-spatial pour les informations visuelles et spatiales, et l'administrateur central qui coordonne l'ensemble. Un quatrième composant, le tampon épisodique, permet de lier des informations multimodales en une représentation cohérente.
Troubles cognitifs chez les patients fibromyalgiques
Les personnes atteintes de fibromyalgie rapportent fréquemment des troubles de la mémoire, notamment une difficulté à retenir des faits récents, une condition connue sous le nom d’amnésie antérograde, tout en conservant la mémoire des faits anciens. De plus, elles éprouvent des problèmes de concentration, des difficultés d’apprentissage et d’expression. Ces symptômes, souvent désignés sous le terme de "fibro-fog" ou brouillard mental, sont des signes de déficiences cognitives significatives.
Une méta-analyse de la littérature scientifique, publiée dans Psychosomatic Medicine, a révélé que les fonctions cognitives sont significativement plus faibles chez les patients fibromyalgiques par rapport aux témoins sains. Cette analyse, portant sur 2 096 participants à travers 23 études, a montré une diminution de 13% des performances cognitives chez les personnes atteintes de fibromyalgie. Les domaines les plus touchés incluent l'apprentissage, la mémoire, l'attention et la vitesse psychomotrice. La mémoire de travail et les fonctions exécutives sont également affectées, bien que de manière plus modérée.
Études et implications des troubles cognitifs
Une étude espagnole publiée dans le Journal of Clinical and Experimental Neuropsychology a évalué les capacités cognitives de 105 femmes atteintes de fibromyalgie. Les résultats ont indiqué que 83% des patientes présentaient des troubles cognitifs, dont 60% modérés à sévères. Cette étude a également mis en évidence une prévalence élevée de dépression (82%) et d'anxiété (70%) parmi les participantes, des conditions souvent associées à une faible capacité de mémoire de travail et à une dégradation du fonctionnement quotidien.
Prise en charge des troubles cognitifs liés à la fibromyalgie
La remédiation cognitive est une approche clé pour la prise en charge des troubles cognitifs chez les patients fibromyalgiques. Cette méthode vise à rééduquer les fonctions cognitives fragilisées, à entretenir celles qui sont encore opérationnelles et à développer des stratégies pour compenser les déficits existants. La remédiation cognitive n'a pas pour objectif de guérir mais d'améliorer la qualité de vie des patients en leur permettant de mieux gérer l'impact des troubles cognitifs au quotidien.
Il existe deux principales techniques de remédiation cognitive. La première consiste à entrainer de manière intensive la fonction déficitaire (par exemple, s’entrainer à apprendre de nouvelles informations si le patient à des problèmes de mémoire). Personnellement, lorsque je me suis retrouvée en arrêt de maladie car je ne parvenait plus à lire et corriger mes copies, ce qui est particulièrement handicapant pour une enseignante, je me sus mise à la généalogie en ligne. Au début, je n’effectuais que des copier-coller, ayant même des difficultés à retenir juste un nom, une date complète. Petit à petit, mes capacités de mémoire ont augmenté. Ma dernière fille m’a offert un livre pour la fête des mères à la fin de la première année d’arrêt. J’ai eu du mal à lire la première page. Puis, de jour en jour, le nombre de pages et la vitesse de lecture se sont décuplés. Aujourd’hui, je suis de nouveau capable de lire. Plus aussi vite que par le passé, mais je lis…
La seconde consiste à contourner la difficulté, en réfléchissant à des stratégies de compensation s’appuyant sur les capacités préservées du patient (par exemple, noter les informations à retenir, utiliser des moyens mnémotechniques…).
L’une et/ou l’autre de ces stratégies peuvent être utilisées, que la remédiation soit plutôt axée sur la neurocognition (concentration, attention, mémoire de travail) ou la cognition sociale (capacités à interagir avec les autres). Pour moi, le recours aux listes et à l’agenda est devenu une nécessité alors que j’ai toujours fonctionné sans malgré ma très grande famille. Ce qui m’est encore difficile, ce sont les interactions avec autrui : me retrouver dans un groupe et suivre les conversations ou maintenir mon attention longtemps lors d’un échange téléphonique, une conférence, etc, restent particulièrement compliqué.
En conclusion, les troubles de la mémoire de travail chez les patients atteints de fibromyalgie représentent un défi important, mais grâce à une prise en charge appropriée et une remédiation cognitive rigoureuse, il est possible de réduire l'impact de ces troubles et d'améliorer la qualité de vie des patients.
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