La traversée de la souffrance est un enjeu central de toute vie humaine. Vivre, c'est naître, souffrir et mourir. Heureusement, entre les moments de douleur, il y a aussi des moments de bonheur et de bien-être qui rendent l'ensemble supportable. Apprendre à affronter et traverser les souffrances inévitables de la vie est crucial.
Dans cette démarche, il est utile de distinguer la douleur de la souffrance.
La douleur englobe les phénomènes physiques ou matériels qui causent nos maux. Elle résulte d'une blessure, d'une maladie comme la fibromyalgie, ou d'une adversité concrète. Les sources de la douleur sont bien réelles et souvent, nous pouvons peu pour les éliminer rapidement.
La souffrance, en revanche, est l'impact de la douleur sur notre esprit et notre vie. Elle est ce que notre esprit fait de la douleur. La dépression, par exemple, est courante chez ceux qui souffrent de douleurs chroniques, affectant 17 à 22 % des patients. La douleur est inextricablement liée aux émotions qu'elle suscite. Pourtant, l'expérience de la douleur varie énormément d'une personne à l'autre, influencée par l'âge, les expériences passées, la culture, le contexte et l'état psychique du moment. C'est cet ensemble de facteurs qui définit la souffrance comme conséquence psychique de la douleur.
Les personnes souffrant de douleurs chroniques vivent une véritable altération de leur être. Elles ne se reconnaissent plus, et leur entourage les voit changer. La douleur les arrache à elles-mêmes, les obligeant à vivre à côté de soi sans pouvoir se rejoindre. Elle affecte toutes les activités du malade, même celles qu'il apprécie. Si la douleur était confinée au corps, elle n'aurait guère d'incidence sur la vie quotidienne. Mais elle déborde, devenant ainsi une souffrance.
Avant de continuer, je voudrais rappeler une vérité médicale simple : quand la douleur est violente, douleur physique ou douleur morale, les médicaments sont les bienvenus ! Il est toujours légitime de soulager la douleur ainsi. Mais les médicaments ne sont pas la seule et unique réponse possible.
Réfléchir à la manière d'affronter la douleur en limitant la souffrance est une préoccupation humaine de longue date. Le bouddhisme propose de choisir la bonne attitude pour traverser les souffrances, tandis que le christianisme cherche à leur trouver un sens. La psychologie, de son côté, aide les patients à ne pas être dominés par leurs souffrances.
La méditation, par exemple, propose des exercices pour éviter que l'attention ne se focalise uniquement sur la douleur. Toutes les études le confirment : la méditation aide à « mieux souffrir » en limitant l'envahissement de la souffrance. Simone Weil résume cette idée : « Ne pas chercher à ne pas souffrir, mais à ne pas être altéré par la souffrance. »
Il est facile de dire aux autres de relativiser leur douleur, mais chacun fait ce qu'il peut face à la douleur. D'où l'importance d'offrir diverses approches pour aider ceux qui souffrent, en leur laissant la liberté de choisir.
L'attention consciente joue également un rôle crucial dans la perception de la douleur. Une activité prenante peut apporter un soulagement temporaire. Les sportifs, par exemple, ressentent peu les douleurs lors de compétitions. À l'inverse, une focalisation excessive sur la douleur peut l'aggraver.
La douleur chronique perturbe le retour à l'équilibre de l'organisme, entraînant des troubles de santé comme la dépression. Sur le plan relationnel, la douleur chronique peut réduire les activités et mener à un isolement social, aggravant la souffrance. Toutefois, elle peut aussi susciter la sollicitude de l'entourage. La diminution ou la disparition de la douleur pourrait éloigner cette attention, compliquant la gestion de la souffrance.
Ainsi, la bonne attitude face à la douleur et la souffrance est complexe, tant pour soi que pour les autres. Une approche diversifiée et adaptée est essentielle pour aider ceux qui souffrent, tout en respectant leur liberté de choix.