MINUTE FIBROSOPHIQUE : L'EFFORT
- Violaine Desmette
- il y a 4 jours
- 2 min de lecture

Est-ce une chance ?
Mon père a dû naître à Sparte… C’est ce que j’ai longtemps cru. Dans sa bouche revenait souvent : « il y a les forts et les plus forts ». Il prônait les douches froides, le courage, l’intégrité et des idéaux très hauts.
Il y a cinq ans, la fibromyalgie s’est tellement aggravée que j’ai cru que tout s’écroulait. J’ai eu peur de ne plus savoir marcher. Tenir une conversation devenait une prouesse, lire une épreuve insurmontable. Après la peur, est venu le déni : non, cela ne pouvait pas m’arriver. Je refusais de ne plus fonctionner. Alors j’ai fait ce que mon père m’avait appris : j’ai avancé.
Un pas, puis deux. Ma rue, puis mon quartier. Un kilomètre, puis deux, puis trois… jusqu’à pouvoir randonner plus de 20 km. Pas tous les jours, bien sûr. Mais je sais toujours marcher. Je me contente de 5 km de temps en temps. Cela me suffit. Je me suis prouvé que je pouvais.
Et j’ai réappris à lire. Ma fille cadette m’a offert un livre. J’ai buté vingt fois sur la première ligne. La première page m’a épuisée. Mais page après page, j’ai fini le livre. Puis un deuxième. Aujourd’hui, je dévore à nouveau. Pas tous les jours non plus, il y a des périodes « sans »… mais j’ai retrouvé ce plaisir.
Toute cette reconstruction m’a pris deux ans. Deux ans de petits pas, de combats intérieurs, de découragements et de victoires minuscules. Deux ans qui m’ont permis de retrouver une part de moi.
J’ai aussi repris le travail. Pas à temps plein, mais un mi-temps, avec des aménagements. Chaque année, je me lance le défi de terminer l’année scolaire. Il y a deux ans, je n’ai pas su. L’an passé, oui. Difficilement, mais oui. Et cette année ? On verra. Un jour à la fois.
Mon père est né à Sparte, je crois. Il m’a appris à ne pas me laisser abattre. Mais cette exigence m’a aussi empêchée de prendre assez soin de moi. Aujourd’hui, j’apprends autre chose : l’art de la bienveillance envers soi.
Car « faire des efforts » quand on est malade… est-ce vraiment le bon mot ? Je ne crois pas que les malades se complaisent dans leur état. Au contraire, la plupart mordent sur leur chique, chaque jour. Mais l’effort, ce n’est pas seulement avancer coûte que coûte. C’est aussi apprendre à doser ses forces, à gérer son énergie. J’ai découvert l’importance du pacing : écouter mon corps, répartir mes efforts, accepter mes limites.
Car oui, avancer, c’est aussi apprendre à faire des pauses. C’est accepter ses faiblesses, qui deviennent alors une autre forme de force.
Est-ce une chance d’être la fille d’un Spartiate ? Je ne sais pas. Cela m’a aidée, cela m’a desservie. Mais de ce que l’on reçoit, on fait le tri. On adapte. Et pour moi, prendre soin de soi, c’est trouver cet équilibre fragile : entre l’effort nécessaire pour avancer malgré la maladie… et la bienveillance indispensable pour accueillir les moments où l’on va mal.
Alors, oui… merci à mon père. Merci pour cette exigence, pour cet héritage parfois lourd, mais qui m’a permis de rester debout jusqu’ici.