Les systèmes de régulation émotionnelle sont des mécanismes essentiels pour comprendre la manière dont nous gérons nos émotions, répondons au stress et maintenons notre bien-être psychologique et physique.
Ces systèmes, ancrés dans notre biologie depuis des millions d'années, ont évolué pour assurer notre survie dans des environnements souvent hostiles. Cependant, dans le monde moderne, où les menaces physiques sont moins fréquentes mais où le stress psychologique est omniprésent, ces systèmes peuvent parfois se dérégler. Ce déséquilibre est particulièrement pertinent dans le cas de la fibromyalgie, où l’interaction entre les émotions et la perception de la douleur est profonde.
Les trois principaux systèmes de régulation émotionnelle
1. Système d’accomplissement (activation/récompense)
Le système d'accomplissement est responsable de la poursuite d'objectifs, de la motivation et de la recherche de récompenses. Lorsqu'il est activé, il libère des neurotransmetteurs comme la dopamine, associée au plaisir, à la motivation et à la satisfaction. Ce système archaïque était essentiel dans un contexte évolutif pour encourager les comportements de recherche de nourriture, d'abri et de reproduction. La réussite de ces tâches assurait la survie de l'individu et de l'espèce.
Avant l’apparition de la fibromyalgie, de nombreuses personnes atteintes de cette maladie présentent une suractivation de ce système. Elles étaient souvent hyperactives, très engagées dans leur travail, leurs relations ou d'autres aspects de leur vie. Ce besoin constant de performance, bien que valorisé dans la société moderne, peut mener à un épuisement progressif. L’organisme, soumis à une pression intense et continue, finit par accumuler du stress et perd sa capacité à se régénérer. Cette suractivité prolongée finit par affaiblir les capacités du système d’accomplissement à fonctionner de manière optimale.
Une fois la fibromyalgie installée, ce système devient souvent sous-activé. Les patients se sentent épuisés, manquent d’énergie et ont du mal à se motiver, incapables de maintenir les niveaux de performance qu’ils avaient auparavant. Cette sous-activation contribue à la fatigue chronique et à un sentiment d'impuissance, aggravant les symptômes de la fibromyalgie.
2. Système de menace (défense)
Le système de menace, également appelé système de défense, est un mécanisme primordial de survie. Il est activé en présence d'un danger, réel ou perçu, déclenchant une réaction de lutte ou de fuite. Ce système libère des hormones telles que le cortisol et l'adrénaline, qui préparent le corps à réagir rapidement en augmentant la fréquence cardiaque, en accélérant la respiration et en mobilisant les ressources énergétiques. À l'origine, il permettait de fuir ou de combattre les prédateurs ou les dangers immédiats, augmentant les chances de survie.
Cependant, dans le contexte moderne, ce système est souvent activé de manière excessive par des situations de stress psychologique, comme des contraintes professionnelles, des conflits relationnels ou des soucis financiers. Cette activation prolongée peut entraîner des états d'anxiété, de tension et de fatigue. Chez les personnes souffrant de fibromyalgie, le système de menace semble hyperactif, ce qui contribue à une hypersensibilité à la douleur. Le corps, constamment sur ses gardes, amplifie la perception des stimuli douloureux, aggravant ainsi les symptômes de la fibromyalgie.
3. Système d’apaisement (régulation/sécurité)
Le système d'apaisement est le contrepoids naturel du système de menace. Il est activé lorsque nous nous sentons en sécurité et soutenus, nous permettant de nous détendre et de réguler nos émotions. Ce système est alimenté par des hormones comme l'ocytocine, surnommée l'« hormone de l’amour », et la sérotonine, qui stabilisent l'humeur et créent une sensation de bien-être. Dans des sociétés anciennes, ce système favorisait les interactions sociales et la cohésion du groupe, assurant la sécurité et la protection mutuelle.
Dans la vie moderne, ce système est souvent négligé, car la pression constante du quotidien laisse peu de place à la relaxation et au réconfort. Pour les personnes atteintes de fibromyalgie, le système d'apaisement est fréquemment sous-activé, ce qui explique une difficulté à accéder à des états de détente profonde. Sans ces moments de repos et de récupération, le corps reste tendu, augmentant la fatigue et exacerbant la douleur.
Les modes « faire » et « être »
Les trois systèmes de régulation émotionnelle peuvent être directement liés aux modes mentaux du faire et de l’être, deux états d’esprit qui influencent notre manière d'interagir avec le monde.
1. Le mode "faire" est celui de l’action, de la productivité et de la résolution de problèmes.
C'est l'état d'esprit dominant dans les sociétés modernes, où la performance et la réussite sont souvent valorisées. Ce mode correspond au système d'accomplissement, mais peut également être alimenté par le système de menace si la pression et le stress deviennent trop importants. Les personnes qui passent la majorité de leur temps dans ce mode peuvent être sujettes au surmenage, à l'épuisement émotionnel et à des niveaux élevés de stress.
2. Le mode "être", quant à lui, est centré sur l’acceptation, la pleine conscience et la connexion au moment présent.
Il s’agit d’un état mental où l’on n’essaie pas de changer les choses, mais plutôt de les observer et de les accepter telles qu'elles sont. Ce mode est associé au système d'apaisement et permet au corps de se régénérer, de diminuer la tension et de retrouver un équilibre émotionnel.
Dans le contexte de la fibromyalgie, les patients sont souvent bloqués dans le mode « faire », ce qui aggrave leur état de stress et de tension musculaire. L'incapacité à passer en mode « être » les empêche d'accéder à des moments de repos et de récupération, exacerbant ainsi la douleur et la fatigue.
Les déséquilibres dans les systèmes de régulation émotionnelle jouent un rôle clé dans cette condition. L’hyperactivation du système de menace, combinée à une sous-activation des systèmes d'accomplissement et d'apaisement, crée un cercle vicieux de stress, de douleur et de fatigue.
La surproduction de cortisol et la carence en sérotonine observées chez les patients atteints de fibromyalgie peuvent aggraver la perception de la douleur et limiter leur capacité à se détendre. Le corps, constamment en alerte, perçoit des stimuli normalement inoffensifs comme douloureux, un phénomène appelé hypersensibilité centrale. Ce dysfonctionnement des systèmes émotionnels et neurobiologiques rend la gestion du stress et de la douleur particulièrement difficile.
Restaurer cet équilibre, par des techniques comme la pleine conscience, la relaxation ou la thérapie cognitivo-comportementale, pourrait aider à réduire les symptômes, en permettant aux patients de mieux réguler leurs émotions et de retrouver un certain bien-être.
Texte rédigé à partir du livre de V.BURCH et D PENMAN, Soulager la douleur avec la pleine conscience, éd. De Boeck Supérieur.